Tout a commencé par de petits incidents, presque sans bruit. Fin mai, les forces de sécurité palestiniennes situées en zones B et C de la Cisjordanie occupée, sous contrôle sécuritaire israélien, se sont retirées. Les Palestiniens ont informé la CIA qu’ils stoppaient la coopération sécuritaire avec Israël, des sources israéliennes ont confirmé que les contacts étaient rompus – en tout cas, mis en sourdine, car sur certains sujets, des canaux de communication subsistent.Ces petites annonces, impensables il y a encore quelques mois, trahissent la fébrilité de l’Autorité palestinienne – depuis les accords d’Oslo, la coopération sécuritaire, honnie des Palestiniens, n’a été suspendue qu’une seule fois, pendant la seconde Intifada.
Le 17 mai dernier, après plus d’un an de joutes politiques, le gouvernement d’union nationale prête serment en Israël. À sa tête, Benyamin Netanyahou, flanqué de son ancien rival, l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, promet l’annexion rapide d’une partie de la Cisjordanie occupée. Le processus doit être enclenché début juillet, selon l’accord de coalition.

Deux jours plus tard, en plein Ramadan, le président palestinien riposte à la télévision, tard dans la soirée : il annonce que l’Autorité palestinienne est absoute « de tous les accords et ententes avec les gouvernements américain et israélien ».

Personne ne prend l’avertissement au sérieux ; Mahmoud Abbas l’a maintes fois annoncé par le passé. Sauf que depuis, l’Autorité palestinienne a vraiment coupé de grands pans de sa coopération économique, administrative et sécuritaire avec Israël.

Crise humanitaire

Le but ? Qu’Israël « endosse toutes ses responsabilités et obligations en tant que puissance occupante », conformément à la quatrième Convention de Genève (1949), sans l’entremise des Palestiniens pour gérer la Cisjordanie et Gaza, a expliqué le président palestinien dans son discours.

Les territoires palestiniens occupés reviendraient alors au mode de gouvernance qui existait avant les accords d’Oslo : Israël serait en charge « des services au quotidien, des salaires et du gouvernement de la population palestinienne », décrypte la chercheuse palestinienne Ghada Karmi dans une tribune publiée par Middle East Eye.

Sauf que depuis la mi-mai, Israël n’a pas pris le relai – le retrait de l’Autorité palestinienne a juste laissé un vide, privant les Palestiniens de certains services, parfois essentiels.

C’est le cas pour les demandes de permis des malades. Certains traitements ne sont pas accessibles dans les territoires palestiniens et depuis des années, les patients doivent passer par un système d’autorisations pour pouvoir sortir se faire soigner. Jusqu’alors, les autorités palestiniennes à Ramallah transmettaient les demandes, mais depuis plus d’un mois, les malades n’ont plus personne à qui s’adresser.

En Cisjordanie, certains arrivent à déposer leurs dossiers directement auprès des Israéliens, mais à Gaza, c’est impossible. Quelques ONG et hôpitaux jouent les entremetteurs, mais les demandes ont drastiquement chuté.

Le 18 juin, Omar Yaghi, huit mois, est décédé des suites de problèmes cardiaques. Il aurait dû être opéré il y a un mois, mais sa demande de permis n’a pas été transmise à temps ; l’intervention avait dû être reprogrammée.

« Nous faisons face à un chaos médical – des centaines de patients sont concernés à présent, qui pourraient bientôt devenir des milliers », a mis en garde Ghada Majadle, directrice des territoires occupés au sein de Physicians for Human Rights Israel.

Avec d’autres ONG, l’organisation a interpellé le ministre de la Défense, Benny Gantz, sur le sujet, rappelant que la suspension de l’activité côté palestinien ne « changeait rien aux obligations qui incombent à Israël », puissance qui contrôle le passage aux frontières.

Effondrement économique ?

L’arrêt de la coopération a aussi de lourdes conséquences économiques. Début juin, le porte-parole du gouvernement palestinien annonce que celui-ci renonce à recevoir les taxes et droits de douane que perçoit Israël – qui contrôle les frontières – pour le compte des Palestiniens.

Cela représente pourtant plus de la moitié du budget de l’Autorité palestinienne, rappelle Sam Bahour, économiste au groupe de réflexion palestinien Al-Shabaka.

Sans cette somme, « le gouvernement palestinien ne peut pas continuer à fonctionner normalement », affirme-t-il. Le Premier ministre Mohammad Shtayyeh a d’ailleurs laissé entendre qu’il ne savait pas comment les salaires des fonctionnaires seraient couverts en juillet.