« C’est de l’enfumage ! » : Israël célèbre ses médecins palestiniens mais néglige les zones arabes face au coronavirus
Le cliché a été abondamment relayé sur les réseaux sociaux et dans les médias du monde entier à la fin du mois dernier. On y voit deux ambulanciers, apparemment saisis sur le vif, en train de prier, dos à dos ; l’un, musulman, tourné vers la Mecque, l’autre, juif, regardant vers Jérusalem. Au fond, se détache la carrosserie blanche de leur ambulance, estampillée de l’étoile de David rouge, symbole de la Magen David Adom, les secours israéliens.
« Des ambulanciers musulman et juif s’arrêtent pour prier ensemble. L’un des nombreux moments inspirants dans la crise du coronavirus », titre alors CNN.
Magen David Adom, qui a publié la photo, parle d’un cliché qui « montre comment les Israéliens sont unis en ces temps de crise. Les employés et bénévoles de Magen David Adom ont beau venir de différents milieux et religions, ils sont tous dévoués à aider les Israéliens à combattre le coronavirus ».
En Israël, 20 % des citoyens sont les descendants des Palestiniens qui sont restés sur leurs terres lors de la création du pays en 1948 – un événement que beaucoup commémorent comme la Nakba, la catastrophe en arabe, car entre 1947 et 1949, 700 000 Palestiniens ont été contraints de fuir ou ont été chassés de chez eux.
Ces citoyens palestiniens d’Israël sont surreprésentés dans les métiers de la santé, l’un des rares secteurs de l’économie à ne pas discriminer à l’embauche entre ceux qui ont fait le service militaire – obligatoire pour le reste de la population – et les Palestiniens, qui en sont exemptés. Et ils sont donc en première ligne, aujourd’hui, dans la lutte contre le nouveau coronavirus, qui a fait 65 victimes dans le pays.
« Israël n’est pas l’État de tous ses citoyens »
« Nous sommes médecins parce que nous n’avons guère d’alternatives, le marché du travail nous ouvre peu de portes », détaille à Middle East Eye Osama Tanous, un pédiatre basé à Haïfa, dans le nord du pays, qui est aussi analyste pour le centre de réflexion palestinien al-Shabaka.
« C’est un long chemin de croix », ajoute-t-il, évoquant un système scolaire déficient dans les zones arabes du pays et « l’aliénation totale que nous ressentons dans les universités ».
« C’est juste du maquillage pour camoufler un système raciste, qui l’a toujours été et va continuer à l’être, et qui ne peut pas intégrer les Palestiniens ! »
- Osama Tanous, pédiatre
Il s’insurge donc contre les articles de presse qui, comme le quotidien de gauche Haaretz, érigent l’hôpital israélien en « modèle de coexistence entre les juifs et les Arabes ».
« C’est de l’enfumage !», rétorque le médecin, « juifs comme Palestiniens, on fait juste notre job ».
« Au lieu de dénoncer les politiques racistes dans les autres domaines, ils mettent l’accent sur cette magnifique coexistence : Arabes et juifs qui travaillent ensemble ! Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Rien ! C’est juste du maquillage pour camoufler un système raciste, qui l’a toujours été et va continuer à l’être, et qui ne peut pas intégrer les Palestiniens ! », estime-t-il.
Sa voix fait écho à celle de nombreux citoyens palestiniens en Israël : le problème ne réside pas seulement dans les discours haineux du Premier ministre Benyamin Netanyahou ou de ses alliés politiques, qui ont qualifié les députés palestiniens de « cinquième colonne » ou de « terroristes ».
« Le racisme est ancré dans les politiques et les pratiques quotidiennes d’Israël », souligne le Dr Tanous, « car ce pays a choisi qu’il ne serait pas l’État de tous ses citoyens mais celui des juifs uniquement ».